La recette de ce patrimoine gourmand est transmise de bouche-à-oreille depuis 200 ans !
Le macaron, c'est son secret!
On fait affaire depuis maintes décennies en leurs murs. Et les vieilles boutiques nancéiennes sont autant chargées d'histoire que de denrées à vous proposer. Aujourd'hui : « La Maison des Sœurs Macarons »
On aimerait être petite souris le jour J. Non pour planter de gourmandes que- nottes dans la pâte délicieusement sucrée, mais pour entendre ce qui se chuchote. Les papiers sont signés, le notaire a tout paraphé, la transaction est réglée. Ne reste plus qu'à transmet- tre... le secret. « Et ça, ça se fait de la bouche à l'oreille. Rien n'est écrit. Tout est dit. C'est ainsi qu'à chaque changement de propriétaire se transmet le secret de fabrication du vrai macaron de Nancy... »
Et c'est ainsi que Nicolas Génot le tient de son père, et qu'il est le seul aujourd'hui à le détenir, à l'exception de son oncle, au cas où un accident venait à lui arriver. Sans quoi le secret disparaîtrait à jamais. « Une lourde responsabilité quand même... » La lourde responsabilité de perpétuer cette tradition culinaire si intimement attachée à la ville de Nancy, et de la faire vivre au quotidien à raison de 1.000 douzaines de ces petits biscuits fabriqués par le patron, chaque semaine, soit sept heures par jour consacrées à cette seule activité.
« Je ne m'en lasse pas »
« Avant d'acheter la boutique, en 1991, mon père Jean- Marie Génot, boulanger depuis 20 ans, s'était évertué à imiter le macaron des sœurs. Le résultat approchait, sans plus, comme chez la plupart de ses concurrents sur Nan- cy.» Bon sang mais c'est bien sûr !, a-t-il dû s'exclamer quand le secret lui est tombé dans l'oreille. « En fait non. En pâtisserie, tout se joue sur les détails, pas sur un petit truc unique. Et pour le macaron, un détail essentiel entre en ligne de compte à chacune des étapes de fabrication. » Dont on ne saura rien d'autre que la base: sucre, blanc d'oeuf et amandes de Provence. « Bios, les amandes, j'ai mes propres producteurs ».
Le reste se joue à l'abri d'une porte, l'une des nombreuses que recèle la boutique-laboratoire du 21, rue Gambetta où l'enseigne s'est posée depuis 1952, après avoir illuminé une façade de la rue de la Hache, aujour- d'hui partiellement rebaptisée rue des Soeurs-Macarons ».
« Avoir une boutique dont le nom est repris pour une rue, ce n'est quand même pas si courant », remarque Nicolas Génot, conscient de défendre un peu plus qu'un produit. « C'est une tradition, et même une image liée au patrimoine de la ville. Voilà sans doute pourquoi je ne me lasse jamais d'en fa- briquer jour après jour. » Et que les clients ne s'en lassent pas non plus.
Même les Chinois !
Lorrains comme étrangers se partagent à parts égales ce goût pour le croquant léger et l'amande transcendée. Chinois compris, depuis quelques années.
Quant aux Nancéiens, Nicolas Génot et ses huit collaborateurs veillent à maintenir leur désir intact, autant que leur fierté. « Et la meilleure caution qu'on a de leur fidélité, c'est qu'en juillet, au moment des grands départs, on a un pic de fréquentation locale. Les gens tiennent absolument à en emporter sur leurs lieux de vacances ! » À compléter avec des bergamotes, autre spécialité maison (protégée IGP), ou des chocolats, bonbons, pâtes d'amandes, confiseries en tous genres... Tentations en abondance exposent en effet leurs appâts, mais le macaron, qui représente 55 % du C.A., règne ici en roi.
Lysiane GANOUSSE
Des Biscuits pour survivre
La famille Génot fait vivre le secret du macaron de Nancy depuis 1991, mais plus de deux siècles d'histoire l'ont précédée. Et c'est sans compter sur ce qui ne figure pas dans les registres.
Car l'habitude de consommer et donc fabriquer le macaron fut prise au sein du monastère des Dames du Saint-Sacrement, où la règle interdisait la consommation de viande. L'amande du macaron devait contribuer à satisfaire les besoins en protéines. Et on doit cette invention appelée à s'inscrire dans les siècles aux deux sœurs Catherine Grillot et Élisabeth Morlot.
En 1792, révolution oblige, la congrégation est dissoute, les deux sœurs trouvent refuge chez un particulier au 10, rue de la Hache. Elles subviennent alors à leurs besoins en proposant leurs macarons à la vente, ce qui leur vaut le surnom de « Sœurs Macarons ».
MACARONS DES SŒURS : Touristes et Lorrains partagent un même engouement pour lui.
Ainsi naissent la marque et la bou- tique, pour bientôt rencontrer un franc succès.
Le secret est transmis à la nièce d'Elisabeth Morlot, Élisabeth Muller, originaire de Savigny. Après quoi deux générations de Muller se succèdent dans les murs.
En 1876, la saga Moinel commence, représentée d'abord par Hector, Alfred puis Georges jusqu'en 1935, date à laquelle le commerce est repris par Georges Aptel, suivi de Roger Aptel, et ce jusqu'en 1991.
C'est la famille Aptel qui décide d'ouvrir une seconde boutique au 21, rue Gambetta en 1952, avant de tout y rapatrier. Jean-Marie Aptel, fils de Roger, est d'ailleurs toujours propriétaire des murs! En 1991, Jean-Marie Génot reprend le flambeau, suivi de son fils Nicolas en l'an 2000.
Le macaron n'a semble-t-il pas varié d'un détail depuis sa création au XVIIIe siècle. Et Nicolas Génot, souvent interrogé sur la question, précise qu'en «gardien du temple », il n'a nulle inten- tion d'introduire une quelconque fantaisie. Et rappelle que La Maison des Soeurs Macarons est classée «Entreprise du patrimoine vivant». On ne variera donc pas d'un iota.
LG.
