1993, l'année du macaron
Il est connu de partout. Y compris de saint Nicolas qui l'apporte aux enfants. Le «macaron des sœurs » fête son bicentenaire.
1793, deux bonnes soeurs tripotent blanc d'oeuf, sucre, amandes avec tant de piété qu'elles inventent le «macaron des soeurs». 1993, Jean-Marie Génot, fabricant des dits macarons et détenteur du secret qui les rend, dit-on, différents, a décidé de fêter comme il se doit le bicentenaire de cette insti- tution nancéienne.
Un tantinet marri qu'après les pelletées de grands prix et médailles d'or ramassées de 1908 à 1937, le macaron des soeurs se soit depuis et une fois pour toutes drapé dans sa croquante renommée, le pâtissier a décidé de mettre les bouchées doubles. Toute l'année, cadeaux et manifestations vont pleuvoir. La dernière - et pas la moindre -consistant en la réalisation par le Comité des Fêtes, d'un char pour la Saint-Nicolas, avec distribution de la friandise ad-hoc. Au moins, la comptine trouvera-t-elle toute sa saveur qui réclame : « Saint Nicolas - mon - bon - patron, apporte - moi-des-macarons ».
Pas de viande mais des sucreries
Voici donc qu'après deux cents ans, refont surface Elisabeth Morlot et Suzanne Gillot, braves soeurs converses hébergées sous la Révolution par le médecin de leur communauté dans son appartement du 10, rue de la Hache. Cette partie de la rue porte d'ailleurs leur nom depuis 1952. Décision prise par la municipalité d'alors. Question «rayonnement ».
Reconnaissantes à leur bienfaiteur de son hospitalité, les soeurs eurent l'idée, pour ne pas être à sa charge, de ressortir leur invention précédemment testée dans leur austère monastère qui compensait l'interdiction de consom- mation de viande, par la large autorisation des sucreries. Elles se mirent donc à vendre leur friandise pâtissière. Et devinrent immédiatement pour tout le monde «les soeurs macarons».
Cette année, les deux célébrités transmetteuses du fameux «secret» hermétiquement protégé jusqu'à nos jours de nièce en arrière-petit neveu, verront leur effigie gravée sous une cinquantaine d'hexagones signés Daum ainsi que sous une soixantaine de médaillons en céramique commis par Marc Visentin, dorés à l'or fin et numérotés. Histoire, explique Jean-Marie Génot qui les distribuera, «de leur donner de la valeur».
Le macaron fait salon
Le pâtissier nancéien, s'il a un penchant marqué pour sa spécialité demeurée intacte depuis deux siècles, n'en fait pas pour autant une excroissance de toque: «les autres macarons sont également délicieux: à preuve, j'en fabriquais encore il y a deux ans. Ils sont différents, c'est tout. ». Pas plus snob que sondétenteur, l'officiel ma- caron accepte volontiers le mélange des cultures. On le verra d'abord à Sacorest, salon de la gastronomie prévu du 16 au 22 avril au parc des expositions de Nancy-Vandoeuvre, puis, en septembre ou octobre, au « salon du macaron ». Il y cotoiera ses excellents confrères lissés, gerbés, hollandais, objets de démonstrations réalisées par les pâtissiers-confiseurs de Nancy.
Et puis, après une année d'agitation, il ira se poser bien sagement sur ses feuilles à macaron, par paquet de six. C'est là qu'il est le plus à son avantage. A croquer.
Rachel VALENTIN
Une généalogie en gâteau
1793. Fondatrices de la dynastie macaronienne : Elisabeth Morlot et Suzanne Gillot, soeurs converses au monastère des Dames du Saint-Sacrement.
Suzanne meurt. Elisabeth appelle auprès d'elle sa nièce et son époux, honnête cultivateur à Savigny, près de Charmes et leur livre le lucratif secret.
1830. Mort d'Elisabeth. Ses neveux, les époux Muller-Marchal, puis ensuite leur fils, font prospérer le commerce.
1854 à 1876. Mme Vagner, née Elisabeth Muller et arrière-petite-nièce d'Elisabeth, gère la maison.
1876 à 1903. Hector Moinel, autre arrière-petit-neveu de la soeur, lui succède.
1903 à 1919. Son frère, Alfred Moinel, prend le relais.
1919 à 1935. Georges Moinel Fils arrive.
1935. Georges Aptel rachète la maison.
1966. Son fils, Roger Aptel, reprend le secret.
1991. Jean-Marie Génot rachète la maison et le secret. Pour la suite, attendre quelques décennies.
