La Maison du Secret
Look total neuf pour la Maison des Soeurs.
Mais toujours bouche cousue sur la fabrication des célèbres macarons.
Invariablement, la question de la vendeuse est la même. « C'est pour manger tout de suite ? ». Parce que si vous le voulez moelleux, le macaron ne doit pas sortir direct du four. Il lui faut le temps de s'attendrir. Comme dit son fabricant, « C'est le macaron qui décide quand il sera mangé ».
Ce qui a changé, c'est le décor. Vous aviez un vague souvenir de murs crème. Ceux-ci sont vert amande. A part ça, vous vous demandez bien ce qui peut être différent à la Maison des Soeurs Macarons. « Tout. Sauf les produits et les vendeuses » sourit l'une d'elle.
C'est vrai qu'ils ont tout cassé. Mais auparavant « on y a réfléchi avec l'architecte plus d'un an» disent les pro- priétaires, Lydie et Nicolas Génot, à la tête d'une entreprise qui emploie huit personnes, eux compris. Fresque délicate au plafond, œuvre d'Elise Favaron, Boutons de portes du mobilier en forme de macarons, les portes elles- mêmes couvertes de « neuf couches de peinture » pour obtenir un rendu identique à ce qui se faisait au XVIIIe. Puisque c'est en 1793 que cette vénérable maison a été fondée rue de la Hache. Depuis, elle s'est transportée en 1950 au 21, rue Gambetta, mais le propriétaire d'alors, M. Aptel, avait pris soin d'emporter avec lui, non pas une sainte relique, mais le vitrail qui représente une Bénédictine. Il trône en place d'honneur dans le magasin. Car tout est parti de là.
Vous êtes ici dans la Maison du Secret. Le secret de fabrication des macarons par les Sœurs de la congrégation, et encore jalousement gardé. Folklore? En tout cas, cette histoire de secret est d'autant plus prise au sérieux qu'elle se monnaie.
Quand Jean-Marie Génot, père de Nicolas, a racheté son magasin à M. Aptel, il a dû payer le fameux secret « avant même de le connaître » dit son fils qui lui a succédé en 2000. Mais bon, Jean-Marie Génot, pâtissier qui fabriquait lui aussi des macarons, des autres, avait clairement vu que tout cela tenait la route question goût, aspect et conservation.
Macarons en ligne
Les petits gâteaux ronds et craquelés, collés par douzaine à leur feuille de papier n'ont, à la limite, pas besoin de cette histoire de secret, eux qui ont allégrement traversé les siècles.
Tout de même, il n'est commercialement pas mauvais d'entretenir le mystère. Et Nicolas Génot ne s'en prive pas.
Seul avec son père à connaître le secret en question, il prépare seul les ma- carons dans son laboratoire en vérifiant « que personne ne me reluque ». Sourire. Mais sa femme? « Elle ne sait rien non plus. Je lui abandonne toutes les finances, c'est déjà pas mal ». Il consent, à la rigueur à « donner une fourchette du temps de cuisson, entre 20 et 30 minutes » et ne se laisse pas impressionner par vos commentaires flatteurs sur les fabrications de Pierre Hermé, Ladurée et autres cadors du macaron. « Celui-ci, c'est l'authenticité. On ne va pas toucher à une recette qui fait ses preuves depuis 1793 ».
Il y a quelques semaines, Nicolas et Lydie Génot ont investi entre 100.000 et 120.000 € dans la rénovation de leur magasin. Mais ne leur demandez rien sur leur chiffre d'affaires.
C'est un secret aussi. Sachez seulement qu'il est « en progression ». Et que la vente en ligne, c'est encore un peu anecdotique, mais ça marche pas mal. « On fait 10.000 € dans l'année, avec un panier moyen de 25-30 €. On vend essentiellement du macaron et de la bergamote ».
Il se propage essentiellement dans l'hexagone, mais c'est ainsi que, parfois, le macaron des sœurs se retrouve sur les tables de Dallas ou de Kanazawa.
Rachel VALENTIN
Photo Patrice SAUCOURT
